Dimitri KERIVEN SERPOLLET
Suivi du système sensorimoteur du pilote d'hélicoptère et application à la prédiction de la charge mentale
Résumé :
Les facteurs humains constituent les contributions humaines à la réalisation d’une tâche, en termes d’interactions avec les outils technologiques à disposition, avec l’environnement dans lequel travaille l’opérateur, avec les procédures applicables et avec les autres opérateurs. C’est un des éléments clés de la sécurité aérienne, qui intervient aussi bien lors de la formation des pilotes, que lors des tâches courantes au quotidien, une fois l’opérateur dans son environnement de travail. Cette thèse s’intéresse particulièrement au système sensorimoteur des pilotes d’hélicoptère. Nous avons étudié d’une part le comportement du système vestibulaire de pilotes professionnels lors d’une expérience psychophysique conduite en simulateur de vol ; et nous avons établi d’autre part un modèle prédictif de charge mentale lors de vols réalistes effectués sur le même simulateur.
Lors de la première expérience, qui s’intéresse au système sensoriel, neuf pilotes d’hélicoptère professionnels ont été placés dans un simulateur de vol de niveau D (plus haut niveau de certification existant) et avaient pour consigne de ramener ledit simulateur à la position neutre après un déplacement passif indépendant de leur volonté, et ce toutes lumières éteintes. Les résultats montrent que les pilotes sont plus précis en roulis (c’est-à-dire dans le plan frontal) qu’en tangage (c’est-à-dire dans le plan sagittal), de manière significative. A l’inverse, nous n’avons pas trouvé de différence entre le roulis gauche et le roulis droit, ni entre le tangage antérieur et le tangage postérieur. Enfin, il existe un biais vers l’angle initial : plus le déplacement passif est important, plus l’erreur des pilotes l’est également ; pour les angles utilisés, la relation trouvée est linéaire. Lors de la seconde expérience, les pilotes étaient situés dans le même simulateur et ont été soumis à deux scénarios réalistes classiques (une mission de reconnaissance puis une mission d’évacuation sanitaire).
Ces deux scénarios ont été construits de manière à induire de fortes variations de charge mentale, avec des moments très calmes et d’autres très intenses. Les pilotes étaient invités à évaluer subjectivement leur niveau de charge mentale lors de moments-clés préalablement identifiés par des experts aéronautiques. En parallèle, un certain nombre de paramètres de diverses origines ont été enregistrés (paramètres physiologiques, paramètres de la machine et paramètres de l’interface homme-machine). Par la suite, nous avons utilisé un modèle d’apprentissage automatique supervisé pour essayer de prédire le niveau de charge mentale des pilotes à tout instant.
Le résultat principal de cette étude est que l’ensemble de paramètres le plus pertinent est celui de l’interface, qui constitue le reflet des actions du système moteur des pilotes. Enfin, ces travaux sont également l’occasion pour nous de proposer un cadre de réflexion général sur les interfaces homme-machine utilisées par des opérateurs de machines complexes (aéronefs, centrales nucléaires, etc.). En effet, nous sommes en plein cœur de la quatrième révolution industrielle, portée par l’intelligence artificielle et l’internet des objets ; à la lumière des résultats obtenus précédemment cités, il nous semble pertinent de dessiner les contours que pourraient prendre deux nouvelles technologies permettant de renforcer la sécurité aérienne : d’une part le suivi longitudinal individuel d’un opérateur ; et d’autre part l’assistant personnel intelligent de ce dernier. Ces outils pourraient servir à la formation initiale et à l’entraînement continu des pilotes d’aéronef.
Monitoring of the helicopter pilot's sensorimotor system and application to the prediction of mental workload
Abstract:
Human factors are the human contributions to the accomplishment of a task, in terms of interactions with the available technological tools, the environment in which the operator works, the applicable procedures, and with other operators. It is one of the key elements of aviation safety, and comes into play during pilot training as well as in day-to-day tasks, once the operator is in the work environment. This thesis focuses on the sensorimotor system of helicopter pilots. In other words, on the one hand, we studied the behavior of the vestibular system of professional pilots during a psychophysical experiment conducted in a flight simulator; and on the other hand, we established a predictive model of mental workload during realistic flights conducted on the same simulator.
In the first experiment, which focused on the sensory system, nine professional helicopter pilots were placed in a Level-D full-flight simulator (the highest level of certification available) and instructed to return the simulator to the neutral position with all lights off after a passive movement beyond their control. The results showed that the pilots were significantly more accurate in roll (i.e., in the frontal plane) than in pitch (i.e., in the sagittal plane). Conversely, we found no difference between left and right roll, nor between anterior and posterior pitch. Finally, there is a bias towards the initial angle: the greater the passive displacement, the greater the pilot error; for the angles used, the relationship found is linear. In the second experiment, the pilots were placed in the same simulator and subjected to two classic realistic scenarios (a reconnaissance mission, and a medical evacuation mission).
Both scenarios were designed to induce large variations in mental workload, with some very quiet moments and others very intense. The pilots were asked to subjectively assess their level of mental workload at key moments identified by aviation experts. In parallel, a number of parameters of different origins were recorded (physiological parameters, machine parameters, and human-machine interface parameters). We then used a machine learning model to try to predict the level of mental workload experienced by pilots at any given time.
The main result of this study is that the most relevant set of parameters is that of the interface, which reflects the actions of the pilot’s motor system. Finally, this work is also an opportunity for us to propose a general framework for thinking about the human-machine interfaces used by operators of complex machines (aircraft, nuclear power plants, etc.). Indeed, we are in the midst of the Fourth Industrial Revolution, driven by artificial intelligence and the Internet of Things; in light of the above-mentioned results, we believe it is relevant to outline two new technologies that could improve aviation safety: on the one hand, the individual longitudinal monitoring of an operator; and on the other hand, his or her intelligent personal assistant. These tools could be used for the initial and continuous training of aircraft pilots.