Donovan MOREL
Impact des variations de l'environnement sur l'état d'anxiété chez le jeune adulte. Approche multimodale avec la réalité virtuelle et les capteurs neurophysiologiques.
Résumé
L’anxiété constitue un phénomène psychophysiologique complexe, qui se situe sur un continuum allant du normal au pathologique. Son évaluation repose encore principalement sur la psychométrie, dont les limites sont pourtant bien connues : l’influence du contexte est peu prise en compte et les données physiologiques sont absentes. De nouvelles approches issues de la cyberpsychologie permettent toutefois de dépasser ces contraintes. La réalité virtuelle (RV) offre la possibilité de manipuler finement les environnements, tandis que l’Internet des Objets (IoT), permet de mesurer en temps réel les réponses corporelles via des capteurs physiologiques. L’association de ces techniques ouvre la voie à une évaluation multimodale qui intègre simultanément l’effet du contexte, l’expérience subjective et les données physiologiques.
Cette réflexion nous a conduit à la problématique de recherche suivante : la variation de l’environnement en RV lors d’une évaluation psychométrique influence-t-elle le vécu anxieux psychologique et neurophysiologique du jeune adulte ?
Pour y répondre, une étude longitudinale intra-individuelle a été menée auprès de 30 jeunes adultes (18–30 ans) évalués pendant quatre séances, dont trois en RV (environnement anxiogène, neutre, apaisant). Après la signature d’un formulaire de consentement éclairé, la première séance comportait un entretien semi-structuré, une mesure Baseline de l’état psychologique avec des questionnaires de personnalité (BFI-10) et d’anxiété (STAI, HADS), ainsi qu’une évaluation de 45 environnements virtuels permettant de sélectionner trois contextes (anxiogène, neutre, apaisant) adaptés au profil de chaque participant. Les séances en RV, espacées de deux semaines et contrebalancées selon les groupes, ont intégré les mêmes questionnaires (BFI-10, STAI, HADS, ITC-SOPI) effectués durant l’immersion. Après cette séance, le participant a effectué une évaluation de la valence et de l’intensité émotionnelles, du cybermalaise et la partie A de l’ITC-SOPI. En parallèle, la fréquence et la variabilité cardiaques étaient enregistrées en continu via un dispositif PPG non invasif.
L’analyse des données a été menée à deux niveaux : groupal (tests de Wilcoxon, régressions linéaires) afin de dégager les tendances générales, et individuel (études de cas, trajectoires psychophysiologiques) pour explorer la variabilité intra-individuelle.
Les résultats ont montré que l’anxiété subjective (STAI, HADS) variait significativement selon le contexte, passant d’une symptomatologie douteuse (Baseline, S. Anxieuse) à une absence de symptomatologie (S. Neutre, Apaisant). En revanche, les données physiologiques n’ont pas révélé de différences significatives au niveau groupal, en raison d’une forte hétérogénéité interindividuelle. L’examen des trajectoires individuelles a mis en évidence des profils contrastés : certains présentaient une cohérence entre vécu subjectif et réponses corporelles, tandis que d’autres exprimaient une dissociation marquée. Les traits de personnalité, en particulier le névrosisme et l’extraversion, semblent moduler cette congruence psychophysiologique.
Ce travail souligne la nécessité de dépasser les approches unimodales et centrées sur le groupe, au profit d’évaluations multimodales, longitudinales, contextualisées et individualisées. Il appelle à un changement de paradigme vers des mesures écologiquement valides et incarnées, mieux à même de refléter l’articulation entre expérience subjective, physiologie et personnalité. Sur le plan clinique, il ouvre la voie à des outils plus personnalisés, favorisant un suivi et un dépistage précoce des troubles anxieux.
Mots clés
Anxiété ; psychométrie ; réalité virtuelle ; IoT ; jeunes adultes ; multimodalité
Direction
Jury
- Lise HADDOUK, MCF-HDR., Université de Rouen, Directrice de thèse
- Stéphane BOUCHARD, Full Prof., Université du Québec en Ouataouais, Rapporteur
- Olivier BIONDI, Pr., Université Évry Paris Saclay, Rapporteur
- Xanthie VLACHOPOULOU, MCF-HDR., Université Paris Cité, Examinatrice
- Nicolas VAYATIS, Pr., École Normale Supérieur Paris Saclay, Examinateur
- Carlo GALIMBERTI, Full Prof., Università Cattolica del Sacro Cuore di Milano, Examinateur